« Et de la même manière, si quelque autre homme te disait de recueillir tout en toi-même tes facultés et tes sens, et ainsi d’adorer Dieu – bien que ce qu’il dise soit parfaitement bien et tout vrai,
Ah !
Et personne ne dirait plus vrai, pour que cela soit conçu –
néanmoins, par crainte des illusions et erreurs, et que ces mots soient entendus corporellement, je ne t’ai point prié de le faire.
Garde à n’être en aucune façon au-dedans de toi-même.
Très vite je te dirai, et en bref :
ce n’est pas que je veuille que tu sois hors de toi-même, ni au-dessous, ni derrière, ni d’un côté, ni de l’autre.
« Mais où donc, demandes-tu, faut-il que je sois ? Nulle part, à ce qu’il paraît ! »
Et oui, réellement tu l’as bien dit : car c’est là que je te veux avoir.
Parce que nulle part, corporellement : c’est partout, spirituellement.
Regarde et veille bien à ce que ton œuvre spirituelle ne soit nulle part corporellement ;
et alors, où que soit la chose sur laquelle en substance tu travailles en ton esprit, sûrement toi, tu seras là en esprit, aussi véritablement et réellement que ton corps est en la place où tu es corporellement.
Et bien que tes sens corporels ne puissent trouver là rien qui les alimente, et qu’il leur paraisse que c’est rien et néant ce que tu fais,
Soit !
Fait donc ce rien, et fais-le pour l’amour de Dieu.
Et ne t’en va de là, mais travaille activement dans ce rien avec le vigilant désir de vouloir et posséder Dieu que nul homme ne peut connaître.
Car je te le dis véritablement, qu’il me vaut mieux d’être en ce nulle part corporellement, luttant et combattant avec cet aveugle rien, plutôt que d’être un seigneur si grand, que je puisse être partout où je le désire, jouant joyeusement et me distrayant de tout ce quelque chose qui est au Seigneur son bien et sa possession.
Laisse ce partout et ce quelque chose, et abandonne-le pour ce nulle part et ce rien.
Que t’importe que jamais tes sens ne trouvent raison de ce rien ?
[…] Or, quel est-il, celui qui l’appelle un rien ?
Assurément, c’est l’homme extérieur.
Notre homme intérieur l’appelle un Tout,
car par lui, il apprend à connaître la raison de toutes choses corporelles et spirituelles, sans aucune considération plus particulière à aucune chose que ce soit. »
(Le Nuage d’inconnaissance, traduit par Armel Guerne, Paris, Seuil, 1977, p. 205-206)
Belle semaine
François
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